La citadelle et la ville de Bitche ont subi le plus long siège de la guerre franco-prussienne de 1870-71, long de 230 jours entre le 8 août 1870 et le 27 mars 1871. La ville a payé un lourd tribut matériel, près de la moitié des maisons ayant été détruites durant les bombardements. Parmi la population civile, des personnes se sont illustrées, notamment Marie Bournique née Gaudet. Née le 4 septembre 1838 à Bitche, elle tenait avec son mari Charles le Café de la Lorraine, restaurant qui existe toujours actuellement et est situé rue du colonel Teyssier. Son père Charles Gaudet était déjà aubergiste. Mme. Marie Bournique aurait notamment permis à de nombreux officier français de quitter la place de Bitche et de rejoindre les lignes françaises, au nez et à la barbe des Bavarois qui encerclaient la citadelle et la cité. En effet, nombre d’entre eux auraient quitté la place fortifiée revêtus de costumes civils et munis de faux papiers au bras d‘une femme, qui s’avérerait être Mme. Bournique. Est-ce là la réalité ou un embellissement de la réalité ? En revanche, son voyage à travers la France est avéré et fait d’elle une figure emblématique du siège de Bitche.
Nous sommes en janvier 1871. Un hiver rude aggrave la situation déjà précaire des assiégés, totalement isolés telle une île française au milieu d’une mer allemande. Pour obtenir vivres et argent, il était donc crucial d’établir une liaison avec le gouvernement installé à Bordeaux depuis le 9 décembre 1870. Cette mission est confiée à Mme. Bournique le 30 janvier 1871. Ironie de l’Histoire, l’armistice avait été conclu deux jours plus tôt, le 28 janvier. Mme. Bournique quitte Bitche le 31 janvier, un message pour Léon Gambetta, le ministre de l’Intérieur. Ce message est caché dans une bonbonnière. Elle parvint à rejoindre Luxembourg, en passant par Sarrebruck depuis Lemberg. Grâce au consul de France, elle rejoint Namur en Belgique avant d’arriver à Lille, où elle espérait rencontrer Léon Gambetta, en déplacement à travers la France pour réorganiser les armées de la République. Malheureusement pour la pauvre Mme. Bournique, Léon Gambetta ne se trouvait plus à Lille, mais à Bordeaux. Mme. Bournique n’abandonne pas l’affaire pour autant, prenant le train pour Calais. Près d’Avranches, une explosion endommage le train, faisant de multiples blessés et morts. Heureusement, Mme. Bournique arrive indemne à Calais, d’où elle peut emprunter un bateau anglais pour Bordeaux, capitale provisoire de la France. Le sort s’acharnant, elle apprend que Léon Gambetta a démissionné la veille et n’est plus ministre. Toutefois, il la reçoit et écoute attentivement le récit du siège de Bitche, tout admiratif de l’héroïsme de Mme. Bournique et de la résistance des troupes de Bitche. Il l’accompagne auprès de son successeur, le ministre Arago, auquel Mme. Bournique peut enfin remettre le message demandant des vivres et de l’argent, qui devrait parvenir par le biais du consul de Suisse. Après avoir reçu les fonds nécessaires, Mme. Bournique peut enfin revenir à Bitche. Pour ce faire, elle passe par Lyon, puis la Suisse avant de rejoindre Strasbourg. Elle retourne enfin à Bitche le 28 février 1871, presque un mois après son départ.
Il semble qu’après le siège, Charles et Marie Bournique se soient installés à Nancy, optant comme d’autres Alsaciens et Lorrains pour la nationalité française, ce qui impliquait un déménagement sur le territoire français. Toutefois, ils sont revenus à Bitche. Veuve depuis le 16 janvier 1882, Mme Bournique s’éteint à Bitche le 17 mai 1918, quelques mois avant le retour à la France.